
J’ai travaillé dans un EHPAD à Toulouse, de janvier à avril 2019, à raison de deux ateliers les mercredis, un le matin au PASA (Pôles d’Activités et de Soins Adaptés) et un l’après-midi en UP (Unité Protégée), avec des dames atteintes d’Alzheimer ou de psychoses.
J’ai fait des ateliers collage, en préparant des images prédécoupées dans des magazines, des Geo, journaux de voyage, des vieux Connaissances des arts, et d’autres magazines anciens. Au PASA, j’avais une petite salle qui servait aussi aux réunions et à la pause café des soignants. Pour instaurer un cadre rassurant, j’ai demandé à ce que personne ne rentre pendant l’atelier, je préparais la salle, sortais les images, les feuilles blanches, les colles, les ciseaux.
Pour un temps d’atelier de une heure, il y avait bien une heure de préparation, car selon la disponibilité, fatigue ou autre, ce n’était pas toujours les mêmes dames, disons qu’il y avait 6 ou 7 dames, et qu’on tournait à trois ou quatre par atelier. Il fallait aller les chercher, certaines en fauteuil roulant, d’autres bras dessous, bras dessus, à petits pas. Certaines venaient de l’UP, les plus en forme.
Pour ouvrir et clore l’atelier, j’avais une poupée russe que j’ouvrais en 5 exemplaires de plus en plus petits et que je refermais à la fin. Elles adoraient cette poupée, « oh encore une autre, encore une autre ».
Chacune avec ses propres difficultés et aptitudes s’est prise au jeu des images. Elles rêvaient dessus, commentaient, choisissaient, prenaient, reposaient. Au début, je les ai aidé à coller, puis certaines s’y sont mises toutes seules, et même à la fin, prenaient les ciseaux pour découper. Elles ont fait des créations individuelles, nous avons fait aussi du collectif sur une même grande feuille. Nous n’avons jamais fait de temps de parole, nous étions autour d’une même table et la parole se disait en faisant.
Nous avons eu de beaux moments de créations et des paroles surprenantes bien des fois, aussi bien d’elles que de moi, des mémoires retrouvées, des surgissements d’affect. Des moments de rigolade aussi. C’était vraiment un temps de réjouissance, malgré les détresses et les douleurs physiques.
A l’atelier d’Unité Protégée, je n’ai suivi qu’une dame, en grande difficulté physique et mentale. Si les débuts ont été un peu difficiles, nos rencontres ont été de plus en plus sereines et étonnantes. Un lâcher-prise, aussi bien de sa part que de la mienne, a permis des temps conviviaux et des rires. Les ateliers avec cette dame ont contribué aussi à faire que les ateliers du matin se passent de mieux en mieux, osant de plus en plus instaurer ces temps suspendus de magie et de poésie avec les images.
Je suis très heureuse d’avoir eu la possibilité d’exercer dans cette maison de retraite grâce au réseau des arts thérapeutes de Toulouse et je remercie aussi la gentillesse et l’attention de la psychologue qui m’a aidé à prendre mes marques dans ce lieu.
Carole Fabre