Atelier d’expression créatrice, Myanmar (ex Birmanie), été 2018
Arrivée fin juillet à Mandalay, seconde ville la plus importante après Yangoon, au Myanmar, pour rejoindre une amie qui enseigne à l’école monastique de Phaung Daw Oo. Me voilà ici pour un mois.
C’est une immense école de 8000 étudiants, âgés de 5 ans à 20 ans environ. L’école grouille de monde en permanence, des jeunes moines et nonnesses en robe orange et rose, des enfants en civil mais avec les couleurs vert et blanc de l’uniforme. Les fenêtres et portes des classes sont ouvertes en permanence, les ventilateurs tournent quand il y a de l’électricité et les enfants et ados récitent à haute voix les leçons. C’est comme une psalmodie permanente en bruit de fond et jusqu’à tard le soir.
Je venais pour intervenir avec les grands sur l’éducation au média Internet et j’ai proposé à l’école d’animer des ateliers d’expression créatrices en plus. Après concertation, c’est avec des petits enfants de 7 ans environ que je démarrai les ateliers avec leur institutrice. Deux fois par semaine, avec deux classes d’une vingtaine d’enfants, les deux ateliers de 3/4 d’heure chacun, se suivant, un dans une classe, l’autre dans celle juste à côté, dans cet immense couloir au rez de chaussée.
Que vais-je pouvoir faire ? Il se trouve justement que chez les grands il y a pleins de journaux papier anglais avec des illustrations et photos, noir et blanc et en couleur. Et comme c’est jeté … Quel bon démarrage pour un atelier de collage !
J’explique à l’institutrice ce que sera l’atelier de collage et le matériel dont on aura besoin et lui demande si il y a ce qu’il faut. Elle me répond oui pour tout, des feuilles de papier blancs, de la colle et des ciseaux.
Premier jour, j’arrive avec mes bras chargés de journaux dans la classe. Tous les gamins sont attroupés mais pas d’institutrice. Ils ont tous du tanaka sur le visage (crème de protection faite avec du bois) Je dis hello et tous en cœur se ruent sur moi, en disant hello, hello teacher, teacher, teacher, avec leurs petites voix fluettes. Ils m’entourent, me touchent, me sourient, s’accrochent à moi. J’ai un moment de vertige. Ils parlent tous très forts, cela fait une sorte de vacarme aigu. Je tente de me déplacer sous le ventilateur, il fait si chaud. J’y arrive, avec tous les enfants en grappe qui me suivent. Toujours pas d’institutrice. Je continue à serrer la main aux enfants, hello, hello, sourire là, sourire ici, éclats de rire.
Enfin elle arrive. Consternation, elle a juste une grande feuille de papier blanc, deux ou trois tubes de colle et quelques ciseaux. Aïe, on va manquer de matériel. Bon, improvisons. On va coller la feuille sur le mur et chacun viendra y coller ses découpages.
Malgré que l’institutrice soit là, le brouhaha est toujours aussi intense, les enfants chahutent de plus en plus. Je lui explique qu’il n’y a pas d’autres consignes, que les enfants découpent ce qu’ils veulent et viennent le coller sur la grande feuille. Elle est un peu surprise qu’il n’y ait pas de thème mais sans plus. En Birman (oui, on parlait anglais) elle dit une phrase et tous les enfants se mettent autour des tables et récitent quelque chose en chœur en psalmodiant. Puis silence. Elle leur explique les consignes et je distribue des journaux à chacun. Le brouhaha revient, mais qu’importe, je finirai par m’y habituer. Elle part chercher d’autres ciseaux et de la colle. En attendant, ils commencent à découper des images et se prêtent les ciseaux. Je suis étonnée par leur concentration si rapide et par l’attention qu’ils ont les uns envers les autres pour faire passer les ciseaux.